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Photo du rédacteurPedrito

On a retrouvé Cyrille "Nano" Lefranc, l'organisateur de tournois qui a inspiré la création de la PES League


Au début des années 2000, Sillery, un village de Champagne, est devenu, en quelques mois, un lieu incontournable pour les fans d'International Superstar Soccer puis de Pro Evolution Soccer, au point d'attirer l'attention des médias et de Konami, qui ont amplifié le phénomène.


Cette notoriété aussi soudaine qu'inattendue, cette commune de 1.700 âmes, située près de Reims, la doit à la passion de Cyrille Lefranc, alias "Nano" et de ses amis. Après s'être mis en retrait en 2004 pour se consacrer à sa vie de famille et sa carrière professionnelle, il a récemment fait son retour comme simple joueur sur eFootball et a accepté de revenir avec nous sur ces folles années... Tout d’abord, peux-tu nous rappeler quand et comment ton histoire avec les tournois d'ISS/PES a débuté ? Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer là-dedans, il y a un peu plus de 20 ans (pardon pour le coup de vieux !) ? Les fans de PES ont retenu ton nom, mais étais-tu seul ou bien était-ce un travail d’équipe ?


« Une partie de la communauté ISS/PES de l’époque me connaît plutôt sous le pseudonyme de “Nano”. Je suis effectivement à l’initiative des premiers tournois d'ISS organisés à “grande échelle” (pour l’époque) Je suis aussi le co-fondateur de la première communauté Internet autour de ce jeu via le portail web appelé à l’époque iss-online.net. Durant 4 à 5 ans au début des années 2000, alors que le football de Konami s’implante doucement sur Playstation 1 en France, nous organisons à Sillery les premiers tournois d'ISS réunissant au début une cinquantaine de joueurs, puis très vite jusqu’à 164 joueurs (Capacité limite de la salle qui nous recevait) venus de toute la France (voire de certains pays frontaliers).


Si l’idée d’organiser un tournoi est effectivement une idée personnelle, j’ai été bien accompagné à l’époque par d’autres joueurs comme “Memesse” devenu mon beau-frère depuis, la famille et d’autres amis joueurs de Sillery pour l’organisation de ces tournois. Nous passions des heures incalculables à jouer à ISS les uns chez les autres à en faire fumer les consoles, à en déformer nos doigts (véridique). J’aime la compétition et surtout les défis, les projets (qui rythment toujours ma vie encore aujourd'hui)… C’est donc assez naturellement, qu’en 1999, me prend l’envie de réunir mes proches dans une salle pour un tournoi sympa, ailleurs que dans nos propres salons ! »




Est-ce que tu as été surpris par un tel succès ? De voir des gens faire des heures de voiture pour venir jouer ? Jusqu’à attirer l’attention des médias et de l’éditeur du jeu ? Dans un monde où Internet était en 56K, sans réseaux sociaux, sans plateformes de streaming et qu’on ne parlait pas encore d’eSport…


« À la base, je n’imaginais pas rassembler plus de 15 à 20 joueurs, compte tenu qu’il nous fallait au moins une console et une télé pour deux. Tous mes amis n’avaient pas la console et nous n’avions pas de sponsor pouvant nous équiper en téléviseurs ! Je suis, à ce moment, à mille lieues de savoir qu'ISS pouvait être si populaire et que le bouche-à-oreille à lui seul allait remplir la salle aussi rapidement, même en exigeant une participation financière aux dotations et l’obligation de venir avec sa propre télé, sa console et une copie officielle du jeu pour deux inscriptions. Les écrans 32 cm étaient légion à l’époque et les télés 80 cm ne pesaient pas moins de 50 kg, certaines consoles fatiguées ne fonctionnaient que sur le flanc… Cela ne freinait pour autant personne ! On refusera du monde à chaque édition, en essayant toutefois de pouvoir accueillir plus de joueurs aux éditions suivantes. 


Comme tu le rappelles, avec nos modems 56K, pour les mieux équipés d’entre nous, on découvre rapidement sur des forums de jeux vidéo, l'existence d’autres organisateurs de tournois dans d’autres régions, Normandie, Paris, Moselle, etc… On lance les invitations et toute la France s’invite 2 fois par an à Sillery pour venir en découdre sur ISS, puis sur PES pour remporter les premiers titres officieux ainsi que de très nombreux lots ! La presse spécialisée et les télés régionale et nationale s'emparent de nos événements, chantent des louanges (Gamekult, Game One, Joypad, Fun TV, France 3 etc.) et font de Sillery "the place to be" pour tous les amoureux du jeu au début des années 2000. 


Certaines archives sont encore consultables, comme cet article Gamekult, pour se plonger dans l’ambiance de l’époque.


Konami apprécie aussi le professionnalisme de nos événements, je suis reçu dans leurs bureaux parisiens à plusieurs reprises, pour négocier des dotations et évoquer l’avenir des tournois. Konami fournira pendant des années des dotations en goodies pour tous nos tournois. Les joueurs de l’époque se souviendront des T-shirts PES, des maillots Konami, des mugs Silent Hill, des jeux en version démo etc. Mais aussi de la primeur de découvrir

une fois par an la nouvelle version du jeu en avant-première ! Grâce à Konami, j'aurais aussi l’occasion de rencontrer, quelques mois plus tard, Shingo “Seabass” Takatsuka, le créateur de Winning Eleven et dirigeant de l’équipe de développement KCET, lors du premier European Championship qui a eu lieu en Suisse. »




Pour les plus jeunes qui nous liront, il faut rappeler que PES a été le produit culturel le plus vendus en France dans les années 2000, c’était un énorme phénomène populaire. Peux-tu nous parler un peu de l’ambiance qui régnait lors des tournois que tu organisais ? 


« L’ambiance était assez folle, certains faisaient des heures de route et passaient même la nuit dans leur voiture sur le parking devant la salle de Sillery. Dès l’ouverture des portes, des hordes de maillots aux couleurs des clubs de foot et autres équipes nationales se présentaient avec télé et console à la table des inscriptions. Quelques photos qui vous mettront dans l’ambiance trainent sur un groupe de nostalgiques sur Facebook. Les poules de huit joueurs étaient tirées au sort en live par notre logiciel Soccer Ring spécifiquement créé pour gérer nos tournois et chacun découvrait et sympathisait avec ses adversaires de poule autour d’un îlot de quatre télés où tout le monde pouvait jouer en même temps ! C'était fou !


Le coup d’envoi et la première minute du tournoi étaient à la concentration dans un silence de cathédrale absolu, mais très rapidement les premiers “yes Papa !”, “Shevchenkoooo”, “Tottttttti !”, “la chaaatte bordel !” résonnaient dans la salle, c’était parti et c’était divin ! Les matches s'enchaînaient rapidement, les classements de chaque poule étaient mis à jour très rapidement et les premières spéculations sur les favoris ne tardaient pas à se répandre dans la salle !


Hors de question pour nous, organisateurs, de voir quelqu’un se faire éliminer au bout de deux matchs ! Les tournois ISS/PES de Sillery offraient la possibilité de jouer beaucoup de matchs, même aux moins bons ou chanceux d’entre nous et cela plaisait beaucoup ! Dans certains tournois, l'intégralité des joueurs de la poule pouvaient se qualifier et tenter leur chance en phases finales avec des matchs à élimination directe ! »




Est-ce qu’il y a un ou plusieurs joueurs qui t’ont marqué, dont le niveau t’a impressionné à l’époque ? 


« On a vu passer beaucoup de très bons joueurs, certains ont effectivement marqué mon esprit par leur niveau, mais aussi et surtout par leur personnalité et leur grande sympathie, je pourrais en citer par dizaines, certains sont même toujours des amis 25 ans après ! Je me prête quand même à l'exercice avec quelques noms... 


"Burny" et "Cruchon", les frères jumeaux dont on ne savait qui était qui ! LOL ! "Cruchon" (enfin, on pense que c’était lui, LOL) remporte le premier titre de Sillery, en juin 2000, et se fait livrer la TV qu’il venait de gagner par transporteur, car il était venu en train, il aurait préféré gagner la Gameboy qui revenait au second !  


"Little Player" (Steeve), qui était le premier joueur local à s’emparer d’un titre chez lui à Sillery, c'était en avril 2001, dans un tournoi de 128 joueurs. 


"Yus", seul double gagnant de Sillery ! Vainqueur en solo en septembre 2000 (80 joueurs) et vainqueur avec son acolyte "No" en double en octobre 2002 (2x64 joueurs). Cette même année 2002, "No" (Noam El Ouali) deviendra le tout premier champion de France et d’Europe officiel de Konami ! »


Comment as-tu vécu à l’époque le passage d’une organisation amateur à la grosse machine qu’était la PES League ? Tu n’as pas eu l’impression que ton “bébé” s'échappait un peu ou au contraire, c’était quelque chose de valorisant, de flatteur ? 


« Je n’ai jamais eu ce sentiment de perdre quoi que ce soit, non ! En 2004, après la naissance de mon premier fils, je décide personnellement de raccrocher, je me marie, je viens d’acheter une maison à rénover à Sillery et mon boulot me prend de plus en plus de temps, ce sera le dernier tournoi de Sillery ! Je décline aussi quelques mois plus tard la proposition de Konami de les accompagner dans leur projet ambitieux de créer des tournois partout en France. La PES League connaîtra le succès qu’on lui connaît avec le support d’une autre association qui organisait elle aussi des tournois de sport virtuel ! »




Quel regard portes-tu sur la manière dont la scène eSport de PES a évolué par la suite ? Les joueurs français ont dominé la scène PES puis le circuit pro d’e-Football par la suite… C’est quelque chose de surprenant pour toi ? 


« J’avoue ne plus avoir trop suivi ce qu’il s’est passé ces 10-15 dernières années sur la planète foot virtuel et eSport en général. Après avoir perdu le goût de jouer aux PES aseptisés de la PS3 et de la PS4 malgré la démocratisation du online, j’ai fait une énorme pause me consacrant à de multiples autres projets ! Pendant tout ce temps, je n’ai jamais réussi non plus à prendre du plaisir à jouer à FIFA ! »


Que t’inspire la disparition du circuit pro acté cette saison ? 


« Je n’y connais absolument rien, je ne sais pas ce qu’est le circuit pro et si la France y est bien représentée. Ce n’est pas un sujet qui me passionne pour être franc ! La cause est sûrement générationnelle. »


Joues-tu toujours aux jeux de foot ? Si oui, le passage de PES à eFootball, comment l’as-tu vécu ? 


« Aujourd’hui, mes fils de 16 et 20 ans jouent à EAFC sur PS5 et je me suis remis doucement à eFootball, il y a quelques semaines seulement, retrouvant dans cette version 2024 quelques choses qui semblent raviver des sensations connues il y a presque 20 ans… Un jeu plus posé, sans trop de fioritures, ni de grigris ! Ca ressemble de nouveau à un jeu qui me plait… Mais mes doigts ont 50 ans, c’est dur-dur de jouer avec le stick directionnel, LOL !


Je reste cependant un grand nostalgique de cette époque Winning Eleven 2002 / Pro Evolution Soccer 1 et 2, alors je joue aussi, de temps à autres à ces vieilles versions, en Netplay (Online) contre des joueurs polonais, turcs et brésiliens grâce à l’émulateur PSX Duckstation sur PC ! Avec une vieille manette et la croix directionnelle qui vous bousille les pouces ! Si certains souhaitent savoir comme s’y prendre, voici le discord dedié. »


Peux-tu nous dire ce que tu deviens ? Nous parler brièvement ton activité professionnelle actuelle ? Est-ce que l’expérience de l’organisation des tournois de PES a eu un impact, une influence sur ta carrière ? 


« Cette année 2024, je vais fêter mes 50 ans ! Je suis graphiste pour les nombreuses maisons de champagne du groupe Louis Vuitton-Moët-Hennessy dans lequel je suis rentré en 2002, juste avant de cesser l’organisation des tournois. Depuis ces années, j’ai réalisé des tas de projets personnels divers et variés sans rapport avec le monde du jeu video. Le dernier en date est la création d’un jeu de société nommé Age of Champagne qui est commercialisé depuis mars 2023, dont je suis co-auteur et que l’on commence à internationaliser. À ce jour, il est distribué en France, Belgique, Suisse et Canada. Si vous aimez les jeux de plateau/société, foncez ! »




Est-ce que tu as gardé le contact avec des gens de la communauté PES que tu as rencontré à l’époque ? Est-ce qu’on te parle souvent de ce “bon vieux temps” ?


« Oui, j’ai toujours de très bons contacts avec certains anciens, malgré les aléas de la vie, les distances et le temps qui passe, les réseaux sociaux nous ont permis de continuer à communiquer ensemble. Je revois chaque année une bonne partie de la team Normande de Soliers autour d’un tournoi de poker, d’autres joueurs sont aussi présents sur le groupe Facebook cité précédemment ! On y partage quelques photos souvenirs et anecdotes de ce “bon vieux temps” !


Il y a quelques semaines j’ai répondu à la sollicitation de “Jeanta” un membre de la Neo Team avec qui j’avais gardé bon contact, qui réalise un reportage en plusieurs épisodes sur l’histoire de la communauté ISS/PES de ses débuts à aujourd'hui ! Un travail de titan de plusieurs mois qui devrait voir le jour sur sa chaîne Youtube en septembre prochain ! J'invite toute la communauté à ne pas manquer ce reportage avec de nombreuses interviews et anecdotes, retracant dans les moindres détails de cette belle histoire communautaire multi-generationnelle… Notre Histoire !


 N’oublions pas, we are... a football tribe ! »


Crédits photos : Cyrille Lefranc & groupe Facebook SILLERY4EVER

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